21/12/2023
En devenant sous-traitant agréé du groupe Safran en juillet dernier, Calibracier met un pied dans l’aérospatiale et la défense tout en affirmant son engagement vers l’excellence en matière de rectification sur barres et tubes cylindriques. Le fruit d’une restructuration de grande ampleur menée par Isaac Woerlen, le directeur, qui a fait passer cette entreprise vierzonnaise quasi centenaire à l’heure de la modernité.
Ça sent le chaud et la graisse, le bruit est assourdissant malgré les bouchons d’oreille de rigueur. Sur les postes, les gestes des régleurs sont millimétrés. « Une bonne ébauche égale une bonne finition » : telle est la devise dans l’atelier de Calibracier qui, depuis une centaine d’années, à Vierzon, s’est fait un nom dans le secteur très pointu de la rectification sans centre de haute précision sur barres et tubes cylindriques. Des produits qui servent autant dans le secteur de l’armement (canon) que dans celui de l’outillage ou du médical (implant dentaire). « Nous sommes une petite PME mais nous avons une grosse force de frappe », s’enorgueillit Isaac Woerlen, le directeur de cette société qui compte plus d’une trentaine d’employés.
« Rendre moderne une vieille dame de l’industrie »
Lorsqu'il la reprend en avril 2018, la société va mal.
« Elle était en déficit majeur et au bord de la faillite. Certaines années, la société faisait un demi-million de pertes, rapporte Isaac Woerlen. Cette vieille dame de l'industrie, on l'a rendue moderne. Quand on regarde le coût de revient d'une barre, explique le directeur, il y a quatre composantes à prendre en compte : le coût de la matière, le coût des équipements, le coût de l'énergie et celui de la ressource humaine. Nous ne pouvons pas infléchir le prix de l'acier ni celui de l'énergie alors la seule marge de manœuvre qu'on ait, ce sont les ressources humaines. » C'est donc sur ce levier que va agir Isaac Woerlen en engageant un plan de modernisation massif dans l'entreprise et en faisant passer ses équipes « en mode start-up ».
« Quand on est arrivé, il y avait autant de manières de bosser que de collaborateurs, se souvient le directeur. Aujourd'hui, nous sommes ISO 9.001 et tout le monde travaille de la même manière. » En utilisant le « lean manufacturing », Isaac Woerlen tente de focaliser ses employés sur la valeur ajoutée. « Ils ne travaillent pas plus mais ça change tout en matière de rendement. »
Pour autant, au lieu de se tourner vers des solutions clés en main commercialisées sur le marché, l'entreprise décide de développer son propre outil en interne. « On a développé ça nous-même car on souhaitait garder le contrôle sur le système. C'est un outil complètement adapté à notre activité, ce qui nous rend nettement plus efficace. De plus, une entreprise est un organisme vivant et mouvant, avoir notre propre système nous permet donc de nous réadapter. Ce que nous cherchons c'est l'agilité maximum : nous faisons désormais partie des entreprises industrielles les plus digitalisées en Europe. »
L'intelligence artificielle au service du savoir-faire
Comme de nombreuses entreprises du secteur, Calibracier fait face à une pénurie de main-d'œuvre.
« Aucune école ne forme des régleurs. Aujourd'hui, les opérateurs vont partir à la retraite et on fait face également à une perte de savoir-faire », constate Isaac Woerlen. Pour pallier ce problème structurel, l'entreprise a donc décidé de faire appel à l'intelligence artificielle pour sauvegarder ce savoir-faire précieux et difficilement traduisible par des opérateurs qui ont parfois plus de 30 ans d'ancienneté. « Nos gars entendent les machines, ils la sentent mais tout ça, ce n'est pas très scientifique, explique le directeur. C'est pour cela que nous avons besoin d'un maximum de données machines. Avec les algorithmes, nous aurons la possibilité de connaître la meilleure recette pour tel ou tel diamètre de barre »
En attendant de faire entrer l'intelligence artificielle dans leur processus, Calibracier est donc dans une phase de récupération de données. « On s'attend à découvrir des tonnes de productivité, s'enthousiasme le directeur ; dans les machines où l'on a déjà effectué ces recherches, on passe des barres deux fois plus vite. »
Fierté vierzonnaise
Pour Isaac Woerlen, il ne fait aucun doute que c'est par la digitalisation que passera la résistance face aux attaques des pays faisant du low cost. « Sur certains produits, il y a beaucoup de concurrence. En revanche, lorsqu'on sort des standards de l'industrie avec de grandes longueurs ou à l'inverse de très petits diamètres, là on commence à un être acteur majeur, c'est une fierté pour un territoire comme Vierzon. »
Après une chute de son activité durant la période du Covid-19, l'entreprise a retrouvé un rythme de croisière normal avec un chiffre d'affaires aux alentours de huit millions d'euros. Néanmoins, Isaac Woerlen admet ressentir une certaine baisse de l'activité. « Le marché est tendu, c'est lié à la conjoncture économique générale et au contexte géopolitique, analyse le directeur. Mais nous avons gagné énormément en performance, cela compense ; ce que nous faisions en trois-huit, nous le faisons désormais en deux-huit. »
Tournée vers l'exportation
Belgique, Luxembourg, Italie Espagne et Allemagne : l'Europe occidentale représente la majorité des clients de Calibracier.
« Nous exportons aussi au Japon, signe que notre qualité est reconnue internationalement », affirme Isaac Woerlen.
Mais le prochain défi de l'entreprise se trouve outre-Atlantique, aux États-Unis. « C'est un plan qui va se dérouler courant 2024-2025 que nous avons d'ores et déjà amorcé. Une fois qu'on a été crédible une première fois, le reste, c'est juste de la conquête. Nous sommes en train de nouer un partenariat solide avec un industriel sur place autour de marchés premiums. C'est par là que l'on va attaquer le marché américain. » En attendant, Calibracier continue son processus de modernisation et la vieille dame vierzonnaise de l'acier an encore de belles pages à écrire.
Par M. Thomas ANCONA-LEGER
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